Pour aller vite (pour ceux qui n'ont pas le temps)
Ces pays ont obtenu des résultats considérables dans la gestion de la crise du covid-19 parce que ce sont des pays industrialisés. Leur histoire, absolument remarquable, peut servir d'exemple à d'autres.
Allons plus loin (pour ceux qui en savoir plus)
Pour une raison ou pour une autre, les noms de ces pays vont ensemble. Avec le covid-19, ces pays ont été capables de maîtriser l'épidémie dès le départ avec une réaction tout à fait appropriée. Les médias, occidentaux en particulier, se sont empressés expliquer la chose en disant que ce qui a aidé ces pays, c'est parce qu'ils ont adopté le masque, que le masque est une question de culture, que ces pays sont autoritaires, etc. Ce sont des clichés et des stéréotypes. La réalité est tout autre.
C'est 4 pays (région chinoise administrative spéciale, pour le cas de Hong Kong depuis 1997) sont entrés dans l'Histoire dans les années 60 parce qu'ils ont été les premiers à s'industrialiser, depuis ce qu'on a appelé la révolution industrielle en Europe à la fin du XVIIIe siècle. C'est pour cette raison d'ailleurs on les a appelés les Nouveaux Pays Industrialisés.
Ces pays ont donc été capables de réagir efficacement au Covid-19 parce que tout d'abord ce sont des pays industrialisés, c'est-à-dire qu'ils disposent de l'infrastructure industrielle - et sanitaire en l'occurrence- qui leur a permis de prendre les mesures nécessaires. Ensuite ils sont adopté des stratégies appropriées pour maîtriser l'épidémie: confinement, tests, traçage, masques, etc.
La question qui mérite d'être posée est la suivante: Comment ces pays ont-ils pu se hausser au niveau des pays industriels, jusqu'alors le monopole de l'Europe et ses extensions en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et en Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande)?
Pour y répondre, il faut faire appel encore une fois à l'Histoire et revenir 60 ans en arrière. Dans les années 60 ces pays étaient considérés comme sous-développés. Comment ont-ils donc fait pour réussir ce grand défi en un demi-siècle, ce qui est un clin d'œil en termes historiques?. Pour bien mesurer le phénomène, prenons juste quelques exemples.
La Corée: à la fin des années 60, qui sortait - ravagée et divisée - de la 2eme guerre inter-impériale (Allemagne, Italie, Japon,Turquie, Grande-Bretagne, France, États-Unis, Union soviétique) était considérée comme un pays pauvre avec un PIB par tête de 158$. En 2018 le PIB par tête est passé à 39 700$, soit une multiplication par 250! Elle est devenue la 8e puissance économique mondiale en 1996, en termes de PNB et est actuellement la 12e puissance économique mondiale en 2019, avec un PIB par tête de $44,740 (estimation, en termes de parité de pouvoir d'achat), supérieur à celui de nombreux pays de la première vague de l'industrialisation.
À Taiwan le PIB par tête est passé de 900 $ en 1950 à 52 000$ en 2018 soit une multiplication par plus de 51, plaçant Taiwan au 19e rang mondial pour le produit intérieur brut (PIB) par habitant mesuré en parité de pouvoir d’achat (PPA). Taïwan est le pays le plus avancé au monde dans le domaine des micropuces.
Singapour: le pays affiche en 1965, date de l’independance forcée (sortie de la Malaisie) un PIB par habitant de 500$ environ. Il est passé à 98 800$ en 2018 en termes de PPA, soit une multiplication par 196!
Hong Kong: le PIB par tête est passé de 420 $ en 1960 à 48 000 $ en 2018 soit une multiplication par 114 fois.
Le produit intérieur brut par tête de ces pays a été multiplié par un coefficient atteignant 250!. Il n'y a pas d'exemple comparable dans l'histoire économique connue.
Comment cela a-t-il été possible? Ces pays ont poursuivi des politiques diverses qui ont changé au cours du temps et qu'il serait fastidieux de passer en revue. Juste une petite liste rapide pour mémoire: agriculture pour l'exportation, industries légères, industrie de substitution aux importations, industries d'exportation, textile, électronique, acier, pétrochimie, commerce, finance...
Qu'en est-il alors de l'environnement politique et institutionnel de ces pays? Les régimes politiques de ces pays étaient tout sauf démocratiques. En Corée du Sud des coups d'État ont permis aux militaires se maintenir au pouvoir pendant plusieurs décennies, pratiquement jusqu'en 1987. À Taïwan le régime militaire avec la loi martiale depuis 1949 s'est poursuivi jusqu'en 1987. Singapore and Hong Kong disposaient de gouvernements civils mais qui se sont fait connaître par leur autoritarisme.
À mon avis, un certain nombre de conclusions peuvent être tirées:
1. Qui doit être en charge de la tâche du développement économique? Ces pays ont compris que ce processus ne peut pas être laissé au gré des évènements et des différents acteurs, comme cela s'est passé en Europe, dans une certaine mesure. Le processus de développement économique a pris plus de deux siècles à l'Europe pour donner des résultats tangibles, en termes d'amélioration des conditions de vie. Ces 4 pays ou territoires ont réalisé qu'ils ne pouvaient pas attendre deux siècles, il leur fallait faire vite. La seule option était et reste encore une attitude volontariste.
Si les pays actuellement "sous-développés" veulent obtenir des résultats similaires, il faut que ce processus soit voulu, décidé, programmé. Le temps est devenu un facteur primordial.
2. Quelle politique économique faut-il suivre? Ces pays en compris très tôt qu'il n'y a pas d'autre issue que l'industrialisation, la seule capable de doter de pays de structures solides leur permettant d'aller de l'avant et de maîtriser leur avenir. À part ça tous les secteurs doivent être considérés en fonction de leur intérêt en termes de développement économique.
3. En ce qui concerne le cadre institutionnel, la démocratie n'est pas une condition. L'histoire a montré que la démocratie est une conséquence développement économique: Plus le niveau de vie de la population s'améliore puis lui l'appel à une démocratisation politique se fait sentir. Par contre ce qui importe ce qu'il y ait un pouvoir suffisamment fort et stable pour mener le pays dans la voie du développement économique.
4. Mais la leçon la plus importante à mes yeux et c'est celle qui concerne la vision et les moyens de la concrétiser. Les dirigeants de ces pays avaient une vision claire des objectifs qu'il voulaient atteindre et se sont dotés de tous les moyens pour obtenir les résultats escomptés. Ces pays ont fait preuve à des degrés divers d'une autonomie remarquable. Vision et Autonomie sont les facteurs clés qui résument l'expérience de ceux qu'on a appelés les nouveaux pays industrialisés et qui peuvent servir d'exemple aux autres pays dans des situations similaires.
Benyounès
Certes la volonté d'émancipation a été un facteur clés et a la fois un dénominateur commun qui explique cet exploit énorme qui ne peut être définit que par un miracle.
RépondreSupprimerEn même temps et de mon point vue, un autre dénominateur un joué aussi un rôle majeur et qui est celui de de la situation géographique excellente dans laquelle se trouvent ces pays.
A titre d'exemple, et si je me souviens bien, le port de Singapour recoit un flux qui représenterait les deux tiers du commerce mondiale, ce qui est tout simplement énorme.
Mais bien sure, si s'est pas accompagné par une volonté claire le résultat serait le même que d'autre pays qui ont eux aussi une situation géographique avantageuse, comme l'egypte ou beaucoup d'autres encore.
Tout à fait d'accord et j'ajouterai que il y a certainement une multitude de facteurs qui peuvent avoir joué un rôle.
RépondreSupprimerJe voudrais ajouter quelque chose à propos de la volonté d'émancipation comme tu l'as appelée: deux des pays concernés - la Corée et Taiwan- ne se trouvaient pas dans une situation idéale en termes d'émancipation puisqu'ils se trouvaient sous la "tutelle" politique militaire et stratégique des États-Unis. Ce qui ne les a pas empêchés de mener les politiques qui ont été les leurs et qui aabouti au succès que l'on connait. Ce qui voudrait dire que cette volonté d'émancipation peut s'accommoder de situations très particulières pas nécessairement favorables. Ce qui voudrait dire que cette volonté d'émancipation ou cette autonomie n'est pas quelque chose de formel, comme une indépendance politique, mais quelque chose de plus profond, non visible, mais tout aussi tangible.
A
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